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01/01/2006 14:38
Parfois, certains tendent à s'imaginer le petit monde du skateboard comme un camp retranché, voir peut-être même un ilôt, qui vivrait en autarcie vis-à-vis du reste du territoire humain. A ce que j'ai cru remarquer, c'est surtout l'illusion de beaucoup de novices qui, parce qu'ils découvrent un univers nouveau qu'ils considèrent comme une alternative au mode de vie de masse, se le représentent pur, sans faille aucune, comme autogéré par et pour les initiés en une indépendance totale vis à vis du reste du monde. Alors que l'on découvre petit à petit ce microcosme, tout émerveillé que l'on est et surtout en proie à un manque de recul certain, lorsque l'on est jeune et naïf on tend souvent à penser : 'mais cet univers est formidable !'. Dès lors on en veut toujours plus, on se jure de rester dans ce 'milieu' à vie - la fièvre du novice, certains diraient - et, même si l'on y croit sur le moment, lorsqu'on réalise les faits tôt ou tard on a de grandes chances de tomber de haut, à s'en briser la motivation.
Car il y a ceux qui sont véritablement poussés par l'amour fusionnel qu'ils portent à leur planche ; ceux pour qui rien ne compte à part le fait même de rider - ceux-là même qui, si le monde venait à s'écrouler, chercheraient des spots dans les débris. Et il y a ceux qui sont tout aussi, voir davantage, attirés par les paillettes d'un autre univers prenant la forme d'un prétendu 'monde du skate' se détachant plus ou moins du courant dominant ; dès lors pour ceux-ci, le fait de skater ne constitue qu'un moyen d'y prendre part et d'essayer de s'intégrer à une culture alternative à laquelle on désirerait s'identifier.
En gros, il y a ceux pour qui seule leur planche compte, le reste apparaissant comme superflu ; et ceux pour qui seul le skate en tant qu'univers compte, car proposant en apparence une alternative quelque peu fascinante au mainstream, la pratique en elle-même s'apparentant grosse modo à un prétexte inconscient justifiant le fait d'y prendre part.
Dès lors, à condition de prendre un peu de recul, il est possible de discerner ceux qui vont skater à vie, tout simplement parce que conservant durablement leur passion originelle pour une planche qui ne les laissera jamais tomber. Tandis qu'en ce qui concerne les autres, ça n'est qu'une question de temps - jusqu'à ce qu'ils réalisent l'intangibilité du monde auquel ils tentent despéremment de s'accrocher depuis le début.
Car le skate, comme toute activité humaine d'ailleurs, c'est avant tout, sur le plan matériel : des gens. Des êtres humains, avec les défauts et tares qui vont avec. Le milieu du skate est tout aussi sclérosé de merde que le reste de la société ; en aucun cas il ne constitue une exception, un paradis terrestre, une alternative ou un échappatoire. Lorsque l'on est jeune et naïf il est facile de croire le contraire, simplement ça n'est qu'une question de temps avant de retomber sur Terre, et plus dure sera la chute en fonction de l'importance que l'on porte à ce soi-disant 'monde du skateboard'. Si celui-ci représente tout - ou presque tout - l'intérêt que l'on attache à sa planche, alors quand le château de cartes de nos illusions s'écroulera, il y a de fortes chances que, tôt ou tard, notre vaillant destrier d'érable suive. Comme une désillusion..
En vérité, et j'espère d'ailleurs bien ne l'apprendre à personne, skateur ou pas, personne n'est parfait et tout le monde a ses tares ; entre ceux qui ont un avis sur tout et essayent de l'imposer à tout le monde, aussi irraisonné qu'il puisse être, ceux qui se la racontent, et ceux qui disent de la merde sur leurs soi-disant potes dès que l'occasion s'y prête, le milieu du skateboard est loin de ressembler au pays des Bisounours.
Si je me suis mis à moins écrire ces derniers temps, c'est tout simplement parce que d'une part, lorsque non inspiré je ne vois pas l'utilité de me forcer (surtout qu'alors le résultat s'avèrerait catastrophiquement désastreux, à moins que ça soit l'inverse) ; mais surtout parce que j'avais l'impression de moi-même commencer à dire de la merde sur certains en filigrane de certains articles, or cette idée que je puisse être amené à me servir de mon influence relativement vaste pour critiquer, dénoncer, et en un sens orienter le regard de mes lecteurs suivant ma propre vision des choses pour leur dicter ce qui est 'bien' ou 'pas bien', me fait fortement horreur. Je reconnais avoir des torts, comme tout le monde, et il m'apparaît comme la moindre des choses que de les assumer.
Néanmoins, certaines critiques injustifiées m'ont été faites, et celles-là je refuse de les prendre pour moi. Shit-talking, malentendus, à moins qu'il s'agisse des deux à la fois, je profiterai de cet article pour tirer les choses au clair, en revenant sur les points qui me sont reprochés.
Je sais que certains me perçoivent comme le conservateur par excellence du skateboard.. A savoir, 'tout ce qui est récent c'est de la merde, le vieux skate constitue la vraie vision des choses, et les kids sont tous des cons' - voilà les mots qu'on me prête. Or il ne s'agit en aucun cas d'un rendu, étant donné que je n'ai personnellement jamais ni prononcé, ni défendu (au contraire) de tels propos. Je considère cette analyse comme une grossière caricature soi-disante synthétique de mes articles par quelqu'un ne les ayant parcouru qu'en diagonale (donc en gros, n'ayant aucune idée de ce dont il est question, mais malgré tout avec suffisamment peu de scrupules pour ressasser n'importe quoi). Le 'vieux skate' ? Qu'est-ce que c'est ? Comment peut-on matériellement subdiviser le skate en sous-catégories 'vieux skate', 'nouveau skate', 'paléolithique skate', 'millenium skate'.. Le skate forme un tout, point. Le skate, c'est une planche avec deux trucks, quatre roues, huit roulements - et avec, on fait ce que l'on veut, qu'il s'agisse de tricks avec un pied par terre, de flips en passant des gaps, de catchs à partir d'un bank, de slides sur des rails, de slalom entre des plots, de hippy jumps, de downhills, de freestyle à l'arrêt, de pressure flips ou de catamarans, et encore il ne s'agit que de généralités - tout, absolument tout ce qui se réalise avec une planche de skate, il n'y a pas à discuter, par définition c'est : du skate. Pourquoi même se poser la question, alors que la réponse se trouve dans l'énoncé ? Dès lors, toute tentative d'apposition d'étiquette, aussi peu limitative soit elle et par quiconque, apparaît comme révélatrice d'une fermeture d'esprit certaine. "Old school ? New school ? Fuck school !", comme le dit si bien Steve Olson (photo : Glen E. Friedman).
En ce qui concerne le 'tout ce qui est récent c'est de la merde', maintenant. Comme je viens juste de l'expliquer, je considère le skate comme un ensemble, dès lors je ne vois pas comment il me serait possible de faire une généralité aussi singulière, de prendre position d'une manière aussi stupide, catégorique et irraisonnée (car qui plus est fondée sur un critère qui ne tient pas la route). J'ai simplement une vision globale des choses, avec un certain recul je pense, dans la mesure où je skate depuis cinq ans - loin de moi l'idée de m'en vanter, cinq ans c'est bien dérisoire comparé à certains, et ça n'est pas toujours l'expérience qui forge la raison. N'empêche que quoiqu'il en soit, j'ai tout de même été témoin d'un certain nombre de choses en cinq ans, et davantage que ceux qui me critiquent, je suis donc plus à même de parler en connaissance de cause. Lorsque je repense au skateboard de pré-2000 à 2002, je me remémore une activité pratiquée avec passion sans stéréotype aucun, chaque rider avait son identité, son style, ses tricks. Aucun artifice, seulement du concret. En proie à un doute, l'autre jour j'ai tout de même consulté à nouveau mes magazines et vidéos de l'époque : SuGaR 29 et suivants, 411 Best-Of 5.. Mon constat final : du skate individuel, sans phénomène de trick à la mode, ni élitisme vestimentaire. Pas d'image de marque ou d'artifice.. Sûrement était-ce dû au fait qu'à l'époque, le skate était encore un truc de cachés auquel le grand public ne portait pas d'intérêt particulier - une contre-culture de plus, alors qu'aujourd'hui le skate s'est démocratisé et engraissé, non sans générer quelques dérives au passage, c'est de rigueur. Bref. Vers 2002, début d'un partage en couille spontané, avec la génération d'un phénomène qui m'a particulièrement marqué à l'époque, parce que contrastant massivement avec ma conception du skate d'alors : le phénomène des nollie noseslides / nollie flip noseslides / nollie heelflip noseslides. En fait, pendant plusieurs mois, dans chaque magazine ou vidéo, ces tricks apparaissaient à moult reprises, effectués par tout le monde sans distinction, et sur tous les spots possibles et imaginables. Au début c'était marrant, un trick comme un autre, en plus ça rend bien.. Mais on change vite d'avis après s'en être coltinés quatre rien qu'après avoir feuilleté son nouveau SuGaR - dégoûté. A ce que je me rappelle, il s'agissait du premier 'trick fashion' du millénaire. Et depuis, jusqu'à il y a quelques mois (c'est tout récent), ils se sont enchaînés, on a eu le droit aux flip back lips, 360 flip front lips, switch big spins et récemment, le retour du 3-6 back.. Maintenant cependant, la créativité semble faire son grand retour, et une bonne partie des riders semble vouloir affirmer son style unique plutôt que de se conformer à un stéréotype, ce qui en soi est loin d'être une mauvaise chose.
Mais 2002 n'a pas amené que ce phénomène de 'trick fashion' ; on a également eu droit à l'explosion du skateboard, à la série des THPS le popularisant en tant que phénomène de mode, au débarquement massif de poseurs sur les spots, à Avril Lavigne, à la montée du V7 Teenage Tour (à un point tel qu'aujourd'hui, il fait l'objet d'une question dans le Trivial Pursuit, si si !) et, au fur et à mesure que le skate grossissait, au développement d'une mentalité décalée par rapport à l'esprit skate 'no prise de tête' d'origine. Une bonne partie des jeunes ayant découvert le skate à cette époque où il était déjà gonflé d'artifice s'en sont contentés et, sans chercher plus loin, l'ont assimilé comme tel.
Il ne s'agit donc nullement d'une critique aveugle, plutôt d'un constat objectif et logique. Au cours des quatre dernières années, le skateboard n'a cessé de grossir pour finalement se poser un temps comme disproportionné - cette évolution a apporté avec elle des changements drastiques, le skate a été défiguré par rapport à ce qu'il était à l'origine, jusqu'à devenir un star-system (le V7TT faisant pour l'occasion figure d'academy). Maintenant la tendance semble être à un retour aux valeurs de base du skate, à savoir la simplicité, le concret et l'expression de l'individualité. Néanmoins, il me semble couler de source que la période à laquelle on découvre le skate s'avère déterminante quant à la conception qu'on en a, tout du moins au début (ensuite, il est toujours possible de prendre du recul, ce que j'invite chacun à faire au possible d'ailleurs), en fonction de l'ambiance générale qui caractérise alors le milieu.
Alors, 'tous les kids sont-ils des cons' ? Disons que c'est un fait qu'étant donné les proportions grossièrement exagérées que le skate a pris au cours des années précédentes, une bonne partie des kids (pas dans le sens 'jeunes', aucun intérêt de discriminer quelqu'un en fonction de son âge, mais plutôt dans le sens 'novices au monde du skateboard') ont développé une mentalité de compétition, de challenge, voir purement sportive, car c'est tout simplement la forme sous laquelle ils ont découvert l'univers plancharoulettistique. Et il ne s'agit pas d'un tort en soi, à chacun sa conception du skate.. Tant que personne ne vient juger l'autre, et empiéter sur sa ligne de ride. Or ces nouveaux skaters avec une mentalité de leur temps viennent trop souvent se la raconter avec des propos qui paraissent abhérants aux skateboarders originaux. Il y a dès lors comme une réminiscence de conflit de générations qui s'installe, et chacun ayant sa conception personnelle de la chose bien ancrée en lui, il y a peu de chance pour qu'il se résolve par un dialogue constructivement argumenté - les deux 'camps' ne désirant sûrement pas philosopher pendant une heure et demie en plein milieu du spot. On en vient donc aux insultes qui constituent une voie de raccourci, on catégorise l'autre comme étant 'con' en le rangeant dans le tiroir approprié de son cerveau, et dans les faits on passe à autre chose.
De plus, il est toujours possible pour un kid de prendre du recul par rapport à son activité, au fait de skater, et aux possibilités infinies que sa planche lui offre, mais également par rapport aux stéréotypes qui lui sont subtilement dicté par une élite fantôme, de manière à se dégager de toute influence, et de pouvoir créer et affirmer son individualité à sa guise.
Donc 'tous les kids sont des cons' : tous non, ensuite qu'appelle-t-on réellement un con ? Certainement pas quelqu'un avec une conception des choses différente de la sienne. Plutôt quelqu'un qui ne respecte pas celle des autres et cherche à asseoir la sienne. J'invite d'ailleurs tout le monde à se remettre en cause ainsi, sur une échelle toujours plus absolue, avant d'adresser un quelconque reproche à autrui. Généralement, on s'aperçoit qu'on est pas vraiment blanc comme neige non plus.
Tout autrement d'ailleurs, on m'a reproché (toujours les mêmes, en fait) de vouloir influencer mes lecteurs, en imposant ma vision des choses et en la présentant comme indiscutable. J'admettrai donc, en m'auto-appliquant le raisonnement développé dans le paragraphe précédent, qu'on puisse m'appeller 'con' à outrance.. si, là encore, cette critique s'avérait justifiée. Mais il n'en est rien, tout ce que je cherche à faire à travers mes articles, ça n'est pas dicter sa conduite à quiconque - à la rigueur, je comprendrai que certains simples d'esprit dépourvus de sens critique gobent mes propos comme d'autres gobent des Flamby, mais dans ce cas-là qu'y puis-je, c'est quelque chose d'inhérent à l'expression d'une opinion, il y en a toujours qui se passent de la remettre en question. Mon but, c'est plutôt de fournir des éléments de réflexion, des bases à qui veut bien y trouver un quelconque intérêt, de manière à inciter à la prise de recul pour au final se forger son propre avis, sa propre vision des choses, et s'épanouir dedans en empiétant le moins possible sur les plates-bandes des autres. Je ne désire imposer aucune mentalité cliché stéréotypée 'true spirit', tout comme d'ailleurs je ne prétends en aucun cas détenir une telle mentalité. A chacun sa conception des choses, c'est ce qui fait la richesse de l'altruisme, de la vie et.. du skateboard.
A vous d'associer les deux derniers noms communs cités comme bon vous semble.
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You guess you know what the fuck is going on, you're on the top, you're on the ball, you think you've seen it all ? Think again, think again, think again, think again, think again, think again, think again, think again.
Before you take another crack and slap yourself on the back, before you tell me what you heard and sum it up in one word, before you start talking shit, before you throw another fit - think again, think again, think again, think again, think again, think again, think again, think again - if you can !
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